gerhard mande

25/04/06

Linux et l’aller/retour entre démocratie et position dominante

Categorie(s) : Flux
+ Réagir (Leave a comment) +

« Voir peu de choses, mais toujours être capable d’en penser quelque chose »

Il y a des moments où la pression du « progrès » est forte, et oblige même les personnes qui ne sont pas intéressées par la technologie à s’intéresser à telle ou telle innovation. La technologie alliée à la mode et au pouvoir disqualifie les groupes sociaux, voire les peuples, tout ceux qui sont nés après 1910 savent ça. Ainsi Moholy-Nagy affirmait déjà dans les années 30′ que l’analphabète de son époque était celui qui ne savait pas lire une photographie.

Dans les années 90′, vers 96-97, par là, le web est soudain passé de curiosité pour illuminé de sf à autre chose, quelque chose de proche de la définition de Moholy-Nagy. Dans mon milieu – notre milieu devrais-je dire cher étudiants – il règnait une certaine répugance à l’égard de la technique en général, et à l’ordinateur en particulier. Mais soudain, la pression était montée, Bill Gates passa de l’anonymat à l’icône de ce monde obscur et puissant qui allait régir nos vies dans quelques années.

Nous vîmes alors (j’habitais une maison en communauté, avec deux macs antiques tournant jour et nuit) débarquer pas mal d’amis, de connaissances, d’inconnus parfois, demandeur de tout et rien : plantages, ordinateurs flambant neufs vide de tout logiciel (quoi, Word n’est pas installé ?), mais aussi installation de modem et démo internet.

Dernièrement, mon beau-père est venu me demander ce qu’était le podcasting et j’ai reconnu ce signe qui ne trompe pas : la pression était revenue.

Alors que je lui raconte un peu l’historique, le mp3, l’ipod, les feed rss, en des mots les plus synthétiques, métaphoriques mais pas trop, techniques mais pas trop.
L’intérêt du podcasting, c’est qu’il représente certes la condensation de plusieurs technologies qui se sont imbriquées de manière assez étonnantes : fichiers sons compressés + feed rss + itunes (ou équivalent) + ipod (etc). Mais ce tour de force avec un mode d’imposition ultrarapide n’aurait pu se faire sans le monopole symbolique de itunes et l’ipod, qui a permis a une floppée de programmeurs de penser des outils, des usages et des pratiques qui mises bout à bout ont permis au podcasting de devenir effrayant pour ceux qui ne savent pas ce que c’est.

Quel rapport avec ce titre ?

Hé bien, en 2000, j’ai participé à Bruxelles 2000 (qui se souvient de cet évènement ?). Dans un volet lié à l’enseignement. On tentait de démystifier internet auprès de public qui n’avaient vu que la devanture d’un cybercafé, on prenait un adresse mail gratuite en expliquant qu’il fallait réfléchir a deux fois à ce qu’on mettait dans les champs du formulaire d’enregistrement, on construisait des pages avec GoLive 1, on faisait avec les plantages du parc informatique pourri d’école à discrimination positive.
Au milieu de ce travail épuisant et fondateur, Jens-Ingo, du moving-art studio, et qui avait commencé ses activités d’hébergeur avec all2all.org, était venu parler de Linux.
Il tentait de convaincre une classe de 7e travaux de bureau de passer à Linux. L’accueil était effaré, Jens-Ingo était incapable de comprendre que ces étudiants cherchaient une formation rapide et pratique après des parcours aux limites du décrochage scolaire, et qu’ils voulaient apprendre la norme, c’est à dire la suite Office, parce qu’il voulaient trouver une place. Les considérations de Jens-Ingo sur l’opacité du code source de l’OS ne pouvaient que les laisser de marbre. Autant imaginer raconter à des fans de BMW la merveille que peut être l’expérience d’assembler sa propre voiture avec des pièces usinées soi-même sur base de plans fournis gratuitement…

A l’époque j’ai régulièrement discuté avec Jens-Ingo sur les problèmes que je rencontrais en essayant d’installer Linux sur mes machines. outre que l’os, en s’installant, vous posait des questions pointues sur le nom système de la partition sur laquelle vous vouliez installer votre os, avec plantage si c’était mal écrit (avec votre clavier azert qui écrivait en qwerty), il y avait le problème de la nature démocratique de Linux.

La démocratie, un problème? Ben, oui, en fait. Car sur une distribution Linux, il fallait choisir son interface graphique, sans savoir de quoi il s’agissait, mais aussi, des paquets de logiciels s’installaient, 4 navigateurs web, 6 clients FTP, 2 ou trois traitements de texte, car chacun des programmateurs qui avaient codé ces applications dans un élan de générosité pur avait droit à la chance de trouver son utilisateur. Du coup, une complexité accrue et le besoin de faire partie d’une communauté pour pouvoir faire tri dans cette montagne de logiciel. Quel utilisateur lambda va faire ça ? Aucun.

Cette critique ne faisait pas sens pour jens-Ingo, pour qui il était normal et citoyen de choisir en connaissance de cause, et en apprenant à connaitre sa machine, ses logiciels, on avait une expérience plus forte de l’informatique.

Je prétendais que tant qu’il n’y aurait pas une installation pousse-bouton de l’os et une uniformisation des logiciels, Linux resterait un magnifique projet pour nerds.

Les années passent, et il semble que les deux positions soient justes.
On passe par des phases ouvertes, avec une multiplication de propositions en terme d’usages, de solutions logicielles, et des phases « goulot » ou le nombre de solutions se resteint, et une concentration plus forte est faite autour de quelques outils, qui permettent une standardisation et donc une meilleure diffusion des technologies auprès de publics moins pointus.

Winamp n’aurait pas pu inventer le podcasting, Apple et Itunes seront des freins pour le prochain usage du net et de l’information, mais entretemps Firefox s’est imposé comme le seul navigateur multiplateforme actuel.

Allez, ça avance.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *