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25/03/09

« Code is poetry » / la fleur au fusil

Categorie(s) : Pensée brute, Références
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Je ne connaissait pas Brendan Dawes avant d’emprunter son livre « analog in, digital out » à la bibliothèque de St-Luc. Brendan est à la tête d’une boite de pub (executive creative director of the interactive design group magneticNorth, nous dit pompeusement la jaquette), et il court la planète en guru évangeliste pour Adobe, en intervenant dans des séminaires pointus et impayables sur la créativité dans Flash.

Brendan sait comment faire pour vivre confortablement de sa passion, et le fait visiblement brillamment. Il travaille avec de gros-gros clients. Pourtant, on trouve dans son livre de multiples exemples de codes, et la plupart du temps en code pour Processing (projet open source de Fry et Raes), en spécifiant qu’il sont faciles à adapter pour Adobe Flash. Cette générosité délivre plusieurs messages : « Je ne suis pas le larbin d’Adobe », « Je joue le jeu de l’Open Source : je donne comme je reçois », « je crois aux vertus de l’émulation par le partage de l’information », par exemple.

On voit là que la pratique de la distribution (et d’explication) du code quitte le simple girond des nerds linuxiens (le mythe du barbu aux cheveux gras et au mug fumant posé sur une boite à pizza éventrée) pour se généraliser comme pratique.

On peut rapprocher ça anecdotiquement, j’y pense en écrivant, à la mutation du jeu vidéo à la fin des années 90′, passant de pratique honteuse pour boutonneux associal, le « nerd », à un « loisir numérique » pour « geek », puis devenant simplement « fun » et carrément socialisant avec la Wii. Fin du rapprochement anecdotique.

On a là quelque chose d’intéressant : John Maeda, par exemple, qui écrit et court aussi les séminaires, ne donne pas accès à ses codes ni à ceux de ses étudiants. Or il est de cette génération qui a professé le fameux « code is poetry » et formé Fry et Raes, ceux là même qui on créé processing et suscité le réseau qui l’entoure. On peut donc dégager déjà que ce phénomène est générationnel.

Je pense depuis pas mal de temps que la première chose que vend la publicité, c’est le désir générique de consommer. Que si les marques publicitaires passaient à un niveau de conscience supérieure, elle cesseraient de faire de la pub pour juste produire des divertissement qui percoleraient ces valeurs dans des films, jeux télévisés, l’urbanisme, le journal télévisé : un univers dans lesquels des personnes désirables trouvent le bonheur dans la consommation, rendant parfait chaque instant de leur vie par un choix judicieux d’objets qu’ils jetteraient rapidement après usage, un six pack avec une bonne huile bronzante, avec maillot et jeux de plage pour une scène dans laquelle on parle du bébé à venir et des jouets les mieux à même de pousser son développement psychomoteur. Description sensuelle des qualités du rouge à lèvres lors du premier baiser dans une voiture à la clim’ parfaitement réglée, le tout dans un travelling arrière fluide et aérien. Dieu merci, le nombrilisme carnassier des marques et le calcage des méthodes fascistes (emblêmes et étendards, unilatéralisme et victoire sans partage, expansionnisme) les empêche de mener tout à fait cette mission à bien. Cependant les stratégies marketing font des films à grand budget et des séries télés quelque chose qui bon gré mal gré se rapproche de ce modèle.

Si la puissance du modèle économique du web 2.0 n’est plus à prouver, le business model de l’open source a gagné ses lettres de noblesses ces dernières années. On sait désormais que linux est un affaire qui marche, que les produits dérivés autour du kernel open source produisent une activité rentable. C’est un signal fort, légitimant un ensemble de pratiques qui autrefois auraient semblé suicidaires stratégiquement. Désormais les compagnies ont besoin de communautés produisant des interfaces diverses  : interface de buzz pour faire percoler et vulgariser les stratégies et nouveaux produits, interface de formation pour conforter les utilisateurs dans leur choix, interface entre utilisateurs et équipes de développeurs pour faire remonter l’information et enfin interface entre le logiciels et les utilisateurs: les plugins et scripts développés par les « third parties », qui offrent des solutions clé en main à des besoins non pensés par les développeurs.

Dans cette économie, permettre l’accès gratuit à des données, aux codes sources, est payant. Brendan l’a compris, et John Maeda ne pouvait probablement le voir.

Je viens de visionner un documentaire sur Paul Virilio. Ce vieil homme qui a vu la guerre à 10 ans, a construit à partir de ses sensations une théorie de la vitesse et de la globalisation, dans laquelle il n’y a aucun angélisme : plus la vitesse de l’information augmente, plus la taille des catastrophes liées à l’information augmente. J’essaie de transposer ce postulat sur les lignes de codes du livre de l’enthousiaste Brendan, et reste songeur.

2 réponses à “« Code is poetry » / la fleur au fusil”

  1. Baudry dit :

    Pourriez vous me dire quelle est la maison d’édition de l’ ouvrage de Brendan Dawes ?

    Olivier

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