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18/05/07

Terminator fait mes courses chez proxiGB

Categorie(s) : Pensée brute
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Avec l’industrialisation, on a vu se développer les médias de masse. Avec eux, on a assisté à un décalage grandissant entre la représentation de la technologie et l’avancement technologique.

Cette constatation n’est pas nouvelle : que je sache, on est pas encore arrivé a faire un homme à partir de morceaux de cadavre et d’impulsion electrique, et donc Frankenstein (1818 pour le roman, 1931 pour le film) reste un beau décalage de ce point de vue.
Mais l’ère numérique a considérablement creusé l’écart : le jour où un terminator fera des course au proxiGB, sa vue ne fera pas fuir les clients tel un train entrant en gare de la Ciotat, car cette représentation sera déjà entrée dans les moeurs, à force d’avoir été représentée par force films, publicités, revues de vulgarisation scientifique, etc.

La différence se situe au niveau des moyens spectaculaires, au sens premier du terme, déployés par les technologies numériques liés à la production d’image, qui permettent une simulation, presque une immersion, dans un univers de métal lisse et chromé, de chuintements mélodieux tout en reconnaissance vocale et analyse de nos désirs même impensés via des senseurs aussi microscopiques qu’ultraprécis.

Derrière cette représentation, qui aurait laissé bouche bée Guy Debord, son flingue sur la tempe suspendu, les chercheurs peinent. Humiliés par le commun des mortels qui ne s’esbaudit plus devant ses objets durement mis au point, mais les trouve lents et moches.

Comparons

Il suffit de prendre le Terminator T800 (incarné – quel jeu de mot – par Arnold Schwarzenegger) du film « Terminator 2 : le jugement dernier », datant de 1991. Laissons de côté le voyage dans le temps, le T1000 en métal liquide, pour nous concentrer sur Terminator lui-même, je veux dire le T800, un robot recouvert de chair, capable d’improviser dans un milieu inconnu, d’apprendre, de simuler, le tout assisté par une banque de données encyclopédique, une morphologie solide et une pile atomique.
Complétons cet exemple par le récent « Tétra Vaal » de Neill Blomkamp, de la boite The Embassy Visual Effects Inc., celle là même qui a fait danser une Citroën-transformer sur le toit d’un immeuble. On y voit de manière quasi réelle un Terminator lapin courrir sur les toits en tôle ondulée d’un bidonville d’Afrique du Sud. Même robot que Terminator, mais produit en série avec un souci d’économie sur les matériaux, filmé caméra à l’épaule, tel un reportage CNN.


Tetra Vaal from Evan Rogers on Vimeo

Rassemblons maintenant les technologies disponibles actuellement pour comparer :

1) La motricité

Le premier film est une recheche de « robot chien » qui serait en fait plus un robot mulet: on voit tout de suite que le but est de produire un espèce d’âne qui pourrait accompagner en tout terrain des hommes.


BigDog from Dirk Gerber on Vimeo

C’est une prouesse technique incroyable, mais ce que nous voyons est un ridicule quadrupède sans tête sautillant dans la boue, roué de coup par d’hostiles hommes en lunettes noires. Cette vidéo sera probablement montrée comme pièce à conviction lors de la révolte des robots.

Si nous allons voir du côté de la DARPA, cette compétition organisée par l’armée américaine dont le but est de faire traverser le désert à des véhicules complètement autonomes, ce n’est guère brillant. La première édition (2005) s’est soldée par un échec complet, aucun des véhicules n’avait passé la ligne d’arrivée. L’édition 2006 a eu 5 gagnants. Sur cette vidéo, un exploit incroyable, mais ce que nous voyons est un 4X4 boosté roulant à 30 à l’heure, comme conduit par un grabataire prudent. A côté de ça, il suffit de voir Terminator sur sa moto attrapper d’une main un ado à vélo, une riot gun dans l’autre main, pour voir ce qui est demandé à la machine excède les capacités actuelles de la science.

2) L’intéraction sociale

Léonardo est un projet ambitieux : il s’agit de produire un robot capable d’apprentissage et d’intéraction sociale, et plus encore : d’apprentissage PAR l’intéraction sociale. Reconnaissance d’un visage, analyse des émotions, apprentissage de concepts nouveau, exécution d’ordres complexes, mouvements robotiques coordonnés : c’est vertigineux de complexité. Dans cette vidéo on voit une séquence d’apprentissage par la voix et le geste. Elle rate à moitié et c’est ça qui est touchant. Mais ce que nous voyons est un gremlin chétif et décharné qui peine à comprendre ce qu’on lui veut.

Inutile d’aller plus loin

Nous avons donc deux règnes bien différents, celui de la représentation, du récit, de la fiction et de la science fiction d’une part, et celui de la science expérimentale et appliquée de l’autre. Nul n’essaie ici de rabattre l’un sur l’autre, parce que nous nous intéressons ici à l’art, qui n’est ni l’un ni l’autre. Cependant ce qu’on appelle l’art numérique est difficile à penser entre autre parce qu’il est nourri de ces deux domaines en plus d’être nourri par l’histoire de l’art. Penser donc une production, et dans le cas qui m’occupe, une pédagogie dans ce champ mal défini est complexe pour les même raisons.

Car la production des arts numériques s’apparente plus à un laborieux apprentissage des codes et procédures liées à sa part numérique, une confrontation à sa pauvreté graphique, qu’à une danse virevoltanante avec des influxs colorés et des fleurs irisées s’enroulant autour de corps filiformes sur des plateaux tridimensionnels aux dimensions infinies, aux brumes parfaites, aux reflets mordorés. Là ou matrix faisait des travellings à l’intérieur des 0 du code, pour en faire des tubes verts dans lesquels on s’enfonce, on ne trouve souvent que des « parse error » et des « syntax error » qui nous maintiennent à la surface de l’écran, là où l’ordinateur nous révèle sa nature de computation. Et ceci, même à travers les interfaces, les librairies, les frameworks, les logiciels, qui sont autant de couches d’abstraction faites pour nous aider à produire, et autants d’objets à penser dans une pratique.

Car chaque objet technique peut être le point de départ d’une pratique, c’est ce que nous apprend la modernité. Dans les arts numériques, on a eu droit en 20 ans à une explosion du nombre d’objets : écran monochrome, pixel, interface, image bitmap, image vectorielle, 3D, calque, html, xhtml, css, blog, moteur de recherche, replication de données, piratage, stockage, partage, web, ftp, sécurisation, api, compression, transfert par paquet, micropaiement, crt, lcd, avi, pdf, wifi, portable. Un véritable nuage de tag.

Aujourd’hui, je reste persuadé que l’expérience du web passe par l’expérimentation d’un code ou l’usage de procédures, plutôt que la maitrise des codes sociaux qui permettent de se mettre en rapport avec les personnes capables de produire ce code ou de se confronter aux procédures pour vous. Peu importe que ce code soit du basic, du html, du php ou le sms. En tant que pédagogue je ne peux que me méfier d’un refus de confrontation à la matière dont on veut faire surgir de l’art, que cette pratique débouche sur un travail individuel ou en groupe.

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