A la lecture du projet en cours d’Yvain, je me suis rappelé qu’une des caractéristiques des hackers, des trolls, des activistes comme les Yes Men par exemple, est l’attitude suicidaire. Ainsi, le troll de haut vol se reconnait par sa manière outrancière de détruire le débat sur lequel il se greffe: propos rapidement incendiaires, appel à des concepts de plus en plus fumeux (liberté d’expression, totalitarisme, etc).
Cette attitude, au delà du vertige donné par le succès grisant que produisent les réactions en chaine, est aussi due à la frousse de ne pas être reconnu dans sa différence. Si sur le site « meilleursprenoms.com », sur lequel des femmes enceintes discutent de prénoms à choisir pour leur enfant en gestation, vous intervenez pour donner votre avis sur vos préférences au lieu d’insulter les mères et les exhorter à l’avortement, vous pouvez devenir rapidement l’un ou l’une des leurs, sans résistance : c’est jouer le jeu social, se fondre en lui. Insupportable pour tout ce qui a égo et désir de révolte. L’attitude du polyhacker vise donc à se démarquer et à refuser d’être confondu, quitte a être confondu avec un autre hacker (ou troll suivant les contextes).
Ceci laisse béante la question « pourquoi alors intervenir sur des sites anodins ? ». « Pour pouvoir dire pourquoi j’existe » comme le dit la chanson de Starmania ?
Dans le cadre de cet exercice, il me semble plus intéressant d’agir sous couvert, de ne pas produire cette progression naturelle de protection, d’auto-affirmation, ou de la faire sur d’autres modes, qui reste à inventer.
Comme je l’évoquait au cours, Chris Burden, ce performeur américain que j’adore, a fait une performance dans laquelle durant quelques semaines il a servi du café aux visiteurs d’une exposition qui n’était pas la sienne, en tenue grise, avec une attitude humble. La performance faite, il est reparti sans coup d’éclat.
Une distorsion minime du réel, un acte d’une grande sauvagerie en fait.